[Le 21 avril 2012.]
Devant la chapelle, alors
que je conversais avec la panseuse Gabrielle et la halfeline Ania qui
venait s'assurer si j'avais bien reçu son message, un gnome
richement vêtu et d'une assurance telle que je n'en avais jamais vu
– pour ne pas parler d'outrecuidance – se présenta avec deux
gardes du corps semi-orcs d'apparence menaçante. Il s'arrêta pour
observer les personnes alentour, puis s'adressa à une jeune femme
qui avait retenu son attention, de par son physique plutôt
avantageux, lui ordonnant de le rejoindre. Le jeune femme dotée
d'une harpe, se fit un peu prier mais finit par obéir, pour
s'entendre dire par le gnome, qu'avec une autre robe, elle
s'accorderait bien avec les meubles de son salon, ce sur quoi il
déclara la vouloir, faisant signe à l'un de ses gardes, comme si
c'était là parfaitement naturel.
Je tirai alors l'épée,
ne comptant pas laisser une telle infamie se produire devant notre
sainte chapelle, alors qu'un individu portant une capuche, et qui me
révéla plus tard s'appeler Piers, s'approcha pour me demander de
faire attention, car il croyait reconnaître en ce gnome le
« conseiller de Lokdanor » ; le devoir n'en
demeurait pas moins. Les événements s'enchainèrent rapidement
ensuite : alors que le premier garde avait empoigné la jeune
barde et entreprenait de l'emmener, Ania s'avança vers le gnome
important pour lui vider une flasque d'alcool en plein visage,
l'aspergeant résolument, tandis qu'elle préparait une torche dont
l'usage était prévisible. Ce sur quoi le second garde attrapa
l'halfeline par le cou jusqu'à la décoller de terre ; elle ne
se démonta pas, brandissant toujours sa torche et menaçant de la
lancer sur le gnome si on ne la lâchait pas, celui-ci hurlant et
ordonnant en pleine rue qu'on l'égorgeât. Les paroles sages de la
panseuse Gabrielle, qui demandait au garde de lâcher Ania, se
perdirent dans cet accès de rage.
Toutefois, la
petite-femme parvint à lancer sa torche sur le gnome, dont le
manteau s'enflamma ; il s'en débarrassa vivement, s'égosillant
à nouveau contre cette « terroriste » qu'il voulait voir
morte. Le garde qui avait tenu Ania la jeta violemment au sol, et il
n'était pas difficile de lire sur son visage qu'il comptait en
terminer avec elle, si bien que, alors qu'une jeune femme du nom de
Linael fit son apparition à une distance de dix mètres environ avec
un arc en criant de la laisser, je bondis pour m'interposer entre
Ania et le géant, écu en avant. A'gloth me soutint au vu de la
justesse de la cause, et je pus préserver la halfeline tout en
infligeant des blessures sévères au demi-orc, qui finit par
s'écrouler lourdement après avoir reçu une flèche par derrière.
Le gnome était furieux,
qualifiant les événements de honteux, déclarant que nous ne nous
en sortirions pas comme cela, et qu'il allait prévenir celui qu'il
appelait sa « Seigneurie ». Mais je rétorquai qu'il n'y
avait rien de plus honteux que d'avoir voulu considérer une jeune
femme comme un objet, et d'avoir voulu commettre de telles impiétés
devant notre chapelle, aussi leur demandai-je de partir, comme la
femme qui n'avait pas baissé son arc plus loin.
Malheureusement,
l'halfeline renchérit et se crut en position de menacer le gnome
vers lequel elle s'avança, si bien qu'il sortit un pistolet doré
qu'il pointa directement sur elle. Linael échoua dans sa tentative
de tirer sur le gnome, car sa flèche vint se planter dans la hanche
de Piers qui se trouvait sur la trajectoire, ce qui déclencha le tir
du gnome sur Ania, qui fut touchée en plein ventre, au niveau du
foie comme nous pûmes l'observer ensuite. Le gnome hurla qu'on
l'agressait, mais je lui ordonnai de se taire et de vider les lieux,
s'il ne voulait pas que je terminasse ce que j'avais fait au premier
garde ; il finit par s'éloigner, le canon de son arme
tremblotant, tout en promettant de nous donner de ses nouvelles –
le dénommé Piers l'avait nommé Philippin en le conjurant de se
calmer. La milice n'avait absolument pas bougé.
J'appelai à la rescousse
Gabrielle, qui était restée en retrait avec la barde convoitée,
puis imposai les mains sur l'halfeline téméraire, par la grâce
d'A'gloth, ce qui permit d'atténuer les saignements abondants et de
la transporter avec plus de sécurité à l'hospice, où la panseuse
opéra avec succès avec des pinces, puis traça un cercle de sang
sur le front de sa patiente, qui se mit à briller avant de lui
rendre des forces et de la stabiliser.
Si l'halfeline était
sauvée, tout n'était pas terminé pour autant : un autre
gnome, arrogant et sûr de lui, vint contrarier la sœur Eleana, doué
de cette même obsession d'acquérir l'hospice, prenant des notes
comme si l'affaire était déjà faite. Je lui appris qu'il se
faisait sans nul doute des illusions et que c'était loin d'être le
cas, mais quand je lui révélai sans faire de mystère mon nom et ma
fonction, il se mit à croire que notre ordre souhaitait doubler les
gnomes quant à l'achat de l'hospice. Je lui rétorquai que l’œuvre
des sœurs en A'gloth était notre seul intérêt. Le gnome était
prétentieux et sourd à toute remarque, et n'avait aucune honte à
fumer son cigare auprès des malades. Au bout d'un moment, Mlle
Gabrielle s'avança vers lui et, sans que lui ni les autres n'eussent
eu le temps de voir venir cela, elle empoigna d'un petit geste vif
son cou, pour y appliquer quelque pression, une technique qui eut le
mérite de le faire sombrer dans l'inconscience. La panseuse put le
faire sortir ainsi, et mettre fin à cette série d'incidents, après
avoir annoncé qu'on ne touchait pas à ses patients.
Qu'A'gloth surveille ces
insolents,
Vigilant Clovis Valoris
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