Première affaire judiciaire
Ma fonction de juge junior en ce royaume de Symeria, si elle m'avait fait me réfugier pendant un temps dans une bien nécessaire étude des lois de ce royaume, fort heureusement très imprégnées de la Sainte Justice de Tyr, ne m'avait pas encore confronté à la mise en pratique de ces études, comme de celles que j'avais heureusement effectuées, tant au niveau judiciaire que diplomatique, à l'Ordre du Saint Jugement au Royaume de Cormyr.
Cette première affaire commença de manière quelque peu inattendue, puisque c'est moi qui me fis l'initiateur auprès de mes supérieurs – ce qui est d'ordinaire du ressort de mes confrères de la garde, mais je me trouvais seul disponible – d'une plainte de Katsumi Tsumei, que je rencontrai devant le Temple de Tyr, où elle était soignée parce qu'elle souffrait de graves blessures. Elle était d'ailleurs encore si souffrante et si faible qu'elle se sentit mal et que le druide Setsuna, qui se trouvait alors en ville et en notre compagnie, m'aida à la transporter au Temple de Tyr afin qu'elle s'y reposât, et m'y aida fort courtoisement à lui donner des soins afin qu'elle se remît quelque peu. Une fois qu'elle fut un peu revenue à elle, Mlle Tsumei tint, malgré son état, à m'informer de ce qui constitua ma première affaire judiciaire en ce royaume de Symeria.
Sans entrer dans les détails tels que j'ai pu les relater en rapport à mes supérieurs magistrats, j'écrirai simplement en ce journal que Katsumi Tsumei s'était vue blessée jusqu'à manquer de mourir, parce qu'elle avait maladroitement attisé l'orgueil d'une jeune guerrière, Ashley Wingstorm, que Setsuna me décrivit comme une « chasseuse de dragons », et que cela avait tourné en une sorte de duel. Mlle Tsumei, ayant croisé Mlle Wingstorm qui parlait d'aller défaire quelque wyverne, aurait en effet traité cette dernière de « folle », entre autres courtoisies, parce que le danger lui paraissait trop grand et redoutable. Piquée au vif, Mlle Wingstorm la défia et perdit le premier combat qui devait se terminer « au premier sang », selon le terme de Mlle Tsumei. Cette dernière n'en resta malheureusement pas là et nargua en quelque sorte Mlle Wingstorm en lui déclarant qu'elle ne pourrait guère résister à une wyverne si elle ne pouvait pas même la vaincre elle. Le récit de Mlle Tsumei se fit alors plus flou, et tout ce qu'elle put me dire c'est que le combat reprit, mais que cette fois elle reçut un coup dont elle faillit mourir. Elle reconnut toutefois qu'elle avait surestimé ses forces et qu'elle avait en quelque sorte provoqué celle contre qui elle voulait toutefois porter plainte.
J'écrivis donc un rapport à mes supérieurs comme je m'y étais engagé, et le Haut Juge Garlandim m'adressa une missive pour m'indiquer qu'il me faisait l'honneur de me confier cette affaire que j'avais portée à la connaissance de la Justice de Tyr, m'engageant à vérifier que l'agression suspectée s'était bien déroulée en la juridiction de notre royaume – ce qui était le cas, aux sentiers de Neyrolune, non loin de la capitale abandonnée du même nom. Peu de temps après, et de manière assez surprenante, une jeune femme blonde se présenta à moi, sans me connaître, devant le Temple de Tyr, jeune femme qui semblait correspondre à la description que Mlle Tsumei m'avait faite de son agresseur. Après m'être présenté, elle fit de même et je n'eus plus aucun doute sur son identité ; aussi fis-je appel à quelques gardes pour arrêter la jeune femme, qui n'opposa aucune résistance et me suivit à la Bâtisse de la Justice où je devais l'incarcérer.
Lorsque je l'y interrogeai quelques temps après, je constatai que sa version des faits correspondait à celle de Mlle Tsumei, si ce n'est que cette dernière avait quelque peu atténué les moqueries dont elle avait abreuvé Mlle Wingstorm. Cette dernière, fille d'un tueur de dragons et entraînée depuis son enfance pour défier de telles créatures, n'avait pas apprécié qu'on mette en doute son courage et son intention sincère de défaire une wyverne. Il faut bien reconnaître cependant qu'à la provocation maladroite de Mlle Tsumei a répondu un orgueil mal placé et démesuré, et que ce qui faisait le cœur de cette affaire était ce qui rend bien souvent les hommes étrangers les uns aux autres : un manque d'humilité et de courtoisie, ainsi qu'un excès d'orgueil et d'amour-propre. Un point de l'interrogatoire m'intéressa aussi beaucoup : le second combat, à propos duquel Mlle Tsumei s'était montrée moins sûre d'elle, était d'après Mlle Wingstorm un combat accepté de part et d'autre, et non pas une agression ou une pulsion de colère en réponse aux provocations difficilement endurées. L'affaire s'orientait donc vers une histoire de duel qui avait mal tourné. De plus, Mlle Wingstorm paraissait éprouver un remords sincère et n'avoir jamais voulu blesser aussi gravement son adversaire. Elle me raconta même qu'elle s'était engagée au service du tieffelin Nemrod pour aider à soigner Mlle Tsumei et à la transporter jusqu'au Temple de Tyr, service de sa personne accepté parce qu'elle n'avait pas eu les moyens de payer la somme honteusement exigée par le tieffelin pour apporter son aide – une somme de deux mille pièces d'or ! Ashley Wingstorm me présenta également une requête inhabituelle, consistant à bien vouloir remettre un présent à Mlle Tsumei en guise d'excuses, une épée courte de belle facture, requête à laquelle j'accédai.
Lorsque je pus m'entretenir avec Katsumi Tsumei peu de temps après, je lui offris ce don et lui fis part des remords d'Ashley Wingstorm, tout en lui laissant entendre que ses moqueries n'étaient pas non plus pour rien à l'état où elle se trouvait – sermon que les prêtres de Tyr qui la soignaient lui avaient déjà fait, bien naturellement et fort heureusement. Elle me confirma en outre que le second combat était bien un duel et non pas une agression purement spontanée, de même qu'elle sembla quelque peu déstabilisée. Elle ne voulait pas que le cadeau l'engageât à quoi que ce fut, mais je lui déclarai tout de même que l'accepter pourrait s'accompagner du fait d'envisager de faire la paix avec Mlle Wingstorm une fois qu'elle aurait reçu son jugement, quel qu'il fût. Mlle Tsumei finit même par me demander de retirer sa plainte, semblant s'apercevoir que le véritable dénouement de l'affaire résiderait plutôt dans une réconciliation future entre elle et Mlle Wingstorm.
A la lumière de ces derniers faits, et d'après la concordance des deux témoignages et selon le conseil de mon supérieur le Haut Juge, je pus rendre un premier jugement éclairé par la Vérité et l'Impartialité de Tyr en ce royaume, en infligeant avec clémence une peine de travaux d'intérêt général de deux semaines à Ashley Wingstorm, consistant à servir le Temple de Tyr, ainsi qu'une amende symbolique de cinquante pièces d'or à verser à Katsumi Tsumei. J'espérais alors que le contact avec les faibles et les malades, ainsi que celui avec nos saints prêtres de Tyr pourrait donner un autre regard sur le monde à Mlle Wingstorm, un peu plus empreint d'humilité et de patience. Il est à noter que ma consœur la paladine Nuage Diaphane a également assisté à ce jugement. Sans le lui avoir demandé directement, je me demande si elle ne trouva pas mon verdict un peu trop clément, au vu de l'expression de son visage. J'espère ne pas la décevoir car c'est une paladine pour laquelle j'ai conçu beaucoup d'estime depuis que je la connais vraiment, et peut-être même plus même si c'est un aspect auquel je préfère éviter de trop penser...
Je me suis d'ailleurs demandé un moment si je ne m'étais trompé en mon verdict, car lors d'une discussion avec Ashley Wingstorm, près du Temple de Tyr qu'elle avait donc commencé à servir, elle semblait très impatientée, instable, et à la limite de se montrer insolente à mon égard, sans vouloir non plus faire l'effort de bien vouloir comprendre en quoi ce service pourrait lui être utile. Cela dit, elle est bien jeune et il faut espérer que cela reste dans un coin de sa mémoire. D'ailleurs, je l'ai recroisée juste après qu'elle ait fini son service et elle s'est montrée beaucoup plus polie et apaisée, ce qui est toujours plaisant à constater. Elle me fit part d'un événement étrange survenu à cause d'un patient dont elle avait la charge et qui s'était échappé du Temple, un vieil homme qui s'était mis à genoux et à marteler le sol en dehors des murailles d'Odeyssa, ce après quoi un portail était apparu pour déverser une créature démoniaque qui l'aurait tuée sans l'intervention de la garde. Il faudra que je demande à un de nos saints prêtres s'il s'agit du même vieillard qui était apparu par un portail magique sur la place du Temple...
Quant à Katsumi Tsumei, des rumeurs ont couru sur le fait qu'elle aurait été agressée en dehors du royaume de Symeria, voire qu'elle aurait peut-être été mise à mort. Elle est pourtant, Tyr merci, bien vivante puisque je l'ai croisée récemment non loin du Temple de Tyr. Fait inquiétant cependant, elle a désormais une large cicatrice au cou ainsi qu'une voix un peu altérée, et souffre surtout de troubles de la mémoire, se souvenant à peine de l'histoire du duel avec Mlle Wingstorm ou de l'agression dont elle aurait failli mourir encore une fois.
Entraînement, défis et Nécropole
J'ai beaucoup réfléchi à ce qui m'avait amené à me comporter de façon si étrange et si taciturne à la Nécropole lorsque je m'étais senti comme humilié de ne pouvoir protéger tous mes compagnons (auprès desquels je m'étais excusé pour ce moment de doute), et j'en ai conclu que si la mélancolie qui m'avait pris lors de mes premiers jours symerians devait être surveillée de près, il me fallait aussi m'entraîner durement et me mettre à l'épreuve, pour que mon corps pût répondre à la grâce que m'avait fait Tyr de bien vouloir me prendre à Son service en tant que paladin. Comme on le disait avec tant d'à propos dans mon Ordre du Saint Jugement, le bras du serviteur du dieu Juste ne doit pas faiblir, pour rendre Justice complète, impartiale, et efficace.
Bien sûr, il me fallait aussi m'équiper convenablement pour cela, aussi fis-je appel à mon amie Ysallyn – dont les conversations rafraîchissantes, même si un peu trop familières parfois dans leur ton, me sont toujours précieuses –, pour enchanter la lame de fer froid que m'avait forgé Anarion Calimehtar. Ses talents sont tout bonnement incroyables et me donnent l'impression d'avoir acquis une nouvelle vigueur quand je manie cette épée à l'aura puissante, ce qui m'aide à donner le meilleur de moi-même lorsque j'effectue quelques rondes et que je parviens désormais à tenir tête à une petite troupe de gobelins, dont la race fanelyane est fort résistante, ainsi qu'à un meneur monté. Je porte également toujours un anneau gracieusement donné par Ysallyn lors de la mésaventure de la Nécropole, anneau qui contribue à me protéger et qui me rappelle le serment que j'ai fait de ne plus jamais douter de mon engagement.
D'ailleurs, il faut bien écrire que cette nécessité d'améliorer ses capacités de combattant n'est pas qu'une histoire de mérite aux yeux de mon dieu, car, aussi important que cela soit, des défis peuvent surgir qui impliqueront que je sois capable de les relever. Rien ne dit que Kaos, où des Bainites résident, entre autres personnages maléfiques, ne puisse constituer une menace et provoquer une nouvelle guerre sainte telle qu'en a déjà connu cette île. Et si les De Risven ne se montrent plus guère à Odeyssa pour venir narguer la garde – sans doute Ramius De Risven n'a-t-il pas digéré sa défaite contre le soldat Ankthiar –, j'ai pu constater que la demoiselle Kindra Tanis semble vouloir reprendre leur discours, quoique de manière beaucoup plus doucereuse, si ce n'est mielleuse. Lors d'une discussion avec elle sur la place du Temple, elle déclara exactement qu'elle n'avait aucun souci avec les Bainites, ce qui m'apparut comme blasphématoire devant notre saint Temple, et ce que n'apprécia guère ma consœur la paladine Kiliniel non plus. Lors d'une autre discussion avec Mlle Tanis, elle tenta de m'expliquer que je l'avais mal comprise, et qu'elle voulait simplement demeurer neutre et ne pas se mettre en situation de conflit avec un camp comme avec l'autre, mais le fait qu'elle semblât mettre au même niveau les servants de Tyr comme ceux de Baine, comme s'ils n'avaient tout deux qu'une même volonté de puissance et de domination, n'était pas pour me convaincre de sa bonne foi et encore moins pour me plaire. Il est bien évident que là où le culte de Tyr et ses chevaliers amènent la paix, la civilisation, la justice et l'ordre, celui de Baine n'est qu'une domination qui asservit les gens selon un ordre dur et factice où la violence est reine. D'après ce que j'ai compris, si jamais Symeria devait faire la guerre à Kaos pour quelque raison, Kindra Tanis pourrait bien devenir une ennemie, selon le prétexte de défendre sa liberté. Mais quelle liberté existe vraiment, sinon celle de se mouvoir dans le Bien ?
D'autres défis apparaissent d'ailleurs sans qu'on ne les ait prévus ni sollicités. Car si je me suis lancé le défi d'affronter seul les abominations de la Nécropole et que j'ai pu en ressortir vivant et victorieux, un événement s'est déroulé dans ces sombres cryptes maléfiques et humides, qui pourrait bien altérer la sécurité de notre royaume voire de toute l'île, si mes pires craintes se voient confirmées par la suite des événements. Ainsi, le mage Liam Irving commença par conter, à moi et à quelques personnes qui se trouvaient sur la place du Temple, qu'il avait entendu des voix inquiétantes dans la Nécropole lors d'une exploration qu'il avait faite seul, mais qu'il n'avait pas jugé prudent de continuer à s'avancer plus loin dans les cryptes, ne sachant ce qu'il allait y découvrir. Je n'avais personnellement jamais entendu de telles voix dans ces salles et ces couloirs putrides, aussi fus-je étonné et d'accord sur le principe de nous y rendre à nouveau avec une compagnie solide, afin de déterminer ce que pouvait bien recouvrir ce phénomène. Les morts-vivants ne sont pas connus pour être bavards, et il fallait bien que quelque présence autre fût à l'œuvre.
La compagnie qui partit vérifier les dires du mage se composait de Liam Irving lui-même bien entendu, dont les sorts de protection, à l'aspect peu amène d'après le soldat Adonis, s'avérèrent bien utiles cependant, moi-même ainsi que ma consœur la paladine Arilyn Kiliniel, qui serions bien utiles comme force de frappe contre les morts-vivants, mon amie Ysallyn dont l'utilité des pouvoirs n'était plus à démontrer, le soldat Sergio Adonis, qui se laissa convaincre après avoir montré quelque réticence, et Mlle Xylandra, naufragée de date récente et d'un tempérament volontaire.
Le trajet jusqu'à la Nécropole se fit sans grande difficulté, à travers les territoires des gobelins, des orcs et autres gnolls, tant notre compagnie avait fière allure, et c'est une fois parvenus dans les cryptes que la véritable aventure commença. Car au bout de quelques temps, exactement comme nous l'avait raconté Liam Irving, des voix étranges et mystérieuses se firent entendre en un écho lointain. Je n'aurais su dire ce qu'il se passait vraiment, mais il semblait que quelqu'un ou que plusieurs personnes psalmodiaient, comme pour réciter une formule magique ou accomplir je ne sais quel rituel. En tous les cas, ma première impression, qui était bien naturelle en un tel lieu, fut fort désagréable. Nous nous montrâmes prudents dans notre progression, nous attachant à protéger les plus vulnérables d'entre nous, ainsi le soldat Adonis et Mlle Xylandra, des hordes de morts-vivants qui infestaient les couloirs suintant de mal de la Nécropole. Mon entraînement s'avéra bien utile en cette occasion, tout comme l'équipement enchanté par Ysallyn, et la grâce de mon seigneur Tyr qui insufflait à ma lame une vertu puissante contre la non-vie.
Au bout de quelques temps passés dans les entrailles de l'édifice corrompu, nous débouchâmes dans une grande salle où nous attendait un spectacle peu commun et inquiétant. Plusieurs hommes étaient en effet, comme je l'avais supposé, en train de psalmodier en cercle pour accomplir ce qui ne pouvait être qu'un rituel maléfique ; trois cercles magiques se croisaient sur le sol, de la même couleur violette que les deux lampes qui éclairaient la scène. Nous restâmes un moment interdits devant pareil spectacle, d'autant que les adeptes semblaient n'avoir pas remarqué notre présence, sans doute parce qu'ils étaient pleinement concentrés sur leur tâche infâme. La paladine Arilyn me fit signe qu'elle se plaçait en embuscade au cas où ; peu après, je m'avançai pour interpeler les adeptes, dans l'intention de savoir ce qu'ils manigançaient, tandis que mes compagnons restaient un peu en arrière. Je ne pus rien obtenir sinon une invitation à nous en aller, car leur rituel était terminé. Nous n'avions évidemment aucune intention d'obéir à ces injonctions arrogantes, et nous combattîmes la créature mort-vivante qui s'échappa d'un portail, espèce de momie géante qui put être anéantie sans grande peine. Dans la mêlée générale qui s'ensuivit, plusieurs des adeptes furent mis hors de combat voire tués, tandis que leur chef s'enfuit dans un corridor qui jouxtait la grande salle du rituel.
Il fut aisément rattrapé et je voulais à tout prix l'interroger pour connaître les intentions de sa secte, malgré la nervosité de certains de mes compagnons qui eussent préféré en finir tout de suite. Malheureusement, l'homme était déterminé à ne pas parler et visiblement peu susceptible d'être intimidé, surtout quand deux de ses suivants nous rejoignîmes pour lui apprendre que « cela avait fonctionné ». Dès lors, il se borna à me dire que sa vie n'avait aucune importance en regard de ce qu'il avait pu accomplir. De fait, il n'en avait plus pour longtemps car, suite à un geste malheureux d'un de mes compagnons, les adeptes se révoltèrent contre nous et tout se termina pour eux en un bain de sang en un instant.
Nous ne pouvions nous attendre à l'événement terrifiant qui allait se produire dans la salle du rituel où nous retournâmes tous, même si nous ne savions que trop bien que quelque sinistre prodige allait survenir, au vu de l'enthousiasme morbide des deux adeptes. Non contents d'avoir déjà pu invoquer des créatures des ténèbres, les adeptes nous léguèrent post-mortem une surprise de taille : d'un portail magique surgit en effet ce que je ne puis qualifier que de seigneur démon, tant la majesté maléfique de cette créature cornue gigantesque, de laquelle émanait des volutes de feu, se montrait insolente de puissance. Il nous considéra comme des insectes misérables et condescendit à nous demander qui avait osé le déranger en l'invoquant en ces lieux. Bien sûr, les responsables avaient péri... Nous étions manifestement en mauvaise posture et armés de notre seul courage, nous trouvant au-devant avec la paladine Kiliniel, quand le mage Liam Irving eut étonnamment l'idée de s'adresser au démon en une langue ténébreuse à laquelle je ne pouvais rien entendre. Il pensait en fait pouvoir « raisonner » la créature, et, d'après ce j'appris plus tard, aurait convaincu celle-ci qu'il pourrait se contenter de l'âme des défunts qui l'avaient invoqué et que nous venions de tuer. Ce procédé, aussi ignoble fût-il moralement, n'était pas audible pour nous alors, et quand bien même il faut bien convenir que nous n'avions guère d'autre idée, et que cela nous fit gagner un temps précieux. En effet, pour une raison que j'ignore, le seigneur démon ne pouvait rester longtemps en notre présence et devait bientôt repasser le portail. Cela ne l'empêcha pas de me menacer avant cela, me lançant, en m'appelant « petite chose », que mon impudence pourrait bien me coûter la vie, ce à quoi je répondis que je ne voulais rien d'autre que sauver celle des plus faibles. Il nous toisa près du portail, nous déclarant que la prochaine rencontre avec lui nous serait fatale, un avertissement qu'il ponctua d'un avant-goût en se jetant soudainement sur la paladine Arilyn, qui se défendit bravement et que je tentai de secourir de toutes mes forces comme mes autres compagnons. Cependant, la partie était difficile, et il fut heureux que le démon s'évanouit finalement par le portail : Tyr en soit loué !
Le pire avait été évité, même si tout n'était pas terminé : le portail se maintenait en activité de façon instable, et il s'en déversa encore quelques hordes de créatures démoniaques et ténébreuses, que notre compagnie put annihiler bravement et sans trop de problèmes. Ne pouvant rien comprendre au fonctionnement du phénomène alors que les adeptes avaient tous succombé, nous préférâmes quitter les lieux tant qu'il en était encore temps, même si nous avions paré à toute éventualité en renvoyant à la surface le soldat Adonis lors de l'apparition du démon, pour que Symeria fût au moins prévenue en cas d'échec de notre part. Il est à noter que Liam Irving avait semblé très désireux de mettre la main sur quelque document qui pourrait lui permettre d'en savoir plus voire de contrôler le démon en cas de retour, recherche qui, couplée à la « négociation » inaudible avec le démon, ne manqua pas d'inquiéter fortement Ysallyn comme elle m'en fit part après les événements.
Puisse Tyr nous donner la force de lutter contre cette adversité formidable si elle doit représenter un danger grandissant contre notre royaume !
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