Comment Roland devint Main du baron d'Ayn'n

Roland, Hugolin d'Estrée, baron d'Ayn'n, Eluard de CastelHurleVent, chevalier et prévôt d'Ayn'n, dans la demeure du premier

Il y a quelques temps, j'eus la surprise de recevoir en ma demeure la visite du baron d'Ayn'n, messire Hugolin d'Estrée, qui était accompagné par un chevalier de Manloen tyréen qui se présenta sous le nom d'Eluard de CastelHurleVent. Le premier avait en effet des informations d'importance à me révéler, ainsi qu'une proposition à me faire, liée à un projet politique global.

En premier lieu, le baron tint donc à m'annoncer que les événements tragiques dont m'avait parlé Rurik Tranchemalheur étaient avérés : le duc de Manloen, Hervé de l'Isle-de-Mont, ainsi que le propre oncle du baron, avaient été tués lors de la défense de la capitale de l'île Balt'h, tombée aux mains des barons félons. Apparemment, ces barons avaient entrepris une guerre d'influence et d'usure depuis des années, et n'avaient toléré encore le pouvoir d'un duc estimé comme trop faible, qu'à cause de l'assise forte du pouvoir monarchique d'Arnault II de Montboissier puis de Walmund Ier. Avec l'arrivée de l'usurpateur, le roi Dzal Hyll, sur le trône, la monarchie s'en était trouvée affaiblie, et les barons avaient sauté sur l'occasion pour se défaire de la gaine absolutiste. De plus, une fois nommé baron, Hugolin d'Estrée avait employé une fraction des troupes de Manloen qui avaient délivré Ayn'n, et qui n'avaient donc pas pu défendre l'île-duché avec Hervé de l'Isle-de-Mont.

En conséquence de quoi, cet appui relatif sur lequel nous comptions à notre arrivée à plus ou moins long terme, nous était ôté. Messire d'Estrée ne put dès lors que dresser le tableau accablant de la situation qui était la nôtre : notre baronnie ne s'étendait dans les faits pas plus loin que le bourg et la plaine sud et ne possédait quasiment pas de ressources, Thola n'ayant plus qu'à attendre la banqueroute pour s'imposer. A côté de cela, les échanges avec Belnok restaient difficiles, malgré des liens cordiaux, du fait de l'éloignement entre les baronnies et de notre absence de flotte, et enfin de compte, la baronnie ressemblait surtout à un camp de guerre veillant sur un certain nombre de réfugiés.

Le baron d'Ayn'n aborda ensuite le vif du sujet, en me déclarant franchement que d'après la longue et consciencieuse études des coutumes de Cirbann qu'il avait faite, l'organisation actuelle des choses ne lui convenait pas. De fait, le clergé de Tyr n'avait jamais eu l'opportunité durable d'influencer la législation. Messire d'Estrée me déclara alors qu'il comptait nommer le chevalier qui l'avait accompagné, messire de CastelHurleVent, prévôt d'Ayn'n – il m'apprit que ce dernier était pupille de son père malgré un rang inférieur, son père étant donc Salomon d'Estrée, ancien membre de la Triade et prévôt de Thola. Pour sa part, Hugolin d'Estrée bien qu'élevé dans la culture tyréenne, avait choisi la voie de Siamorphe.

Messire d'Estrée nous confia alors la vision de son rôle, qui consistait à gérer les terres de la baronnie, des terres malheureusement souillées pendant des décennies par les loviates puis les troupes du Roi sorcier, si bien que tout cela constituait un désert à faire revivre, où soldats et réfugiés subsistaient tant bien que mal. Le baron était conscient que ces gens, vassaux ou serfs, devaient être protégés et qu'il était de son devoir de faire en sorte que chacun pût se nourrir et de relever ces terres. Parlant franchement, il me dit avoir conscience que mon rôle était autre, mais que sa visite avait pour but de requérir mon assistance dans cette mission, au-delà de ce que nous entreprenions pour le temple des hauteurs. Le baron d'Estrée était conscient, de plus, de ne pas pouvoir se permettre de créer un conflit, de par la situation fragile en cours. Ainsi, s'il m'assura que si la ligne directrice qui serait mise en œuvre pour faire de la baronnie un endroit civilisé serait bien celle émanant de Tyr et ses principes, il souhaitait néanmoins que chacun pût contribuer à la construction du bourg en y apportant sa vision.

Plus concrètement, était envisagée la création d'un « parlement baronnial », où siégeraient les personnes qui auraient l'estime du baron et qui pourraient l'y conseiller, ainsi que la mise en place d'une « brigade » qui aurait pour mission de mettre en œuvre les entreprises décidées par ledit parlement. Le parlement serait constitué dans un premier temps d'un argentier, d'un prévôt, d'une main, et d'un bourgmestre. Le prévôt désigné était donc Eluard de CastelHurleVent ; un vieil ami du baron était pressenti pour devenir argentier ; le rôle de bourgmestre avait déjà été proposé à Rafael de Murdanes. De fait, il restait une charge, celle de Main du baron ; il serait chargé de la préparation des textes de loi qui seraient soumis au parlement et votés, puis appliqués par le prévôt. Toutefois, son rôle principal serait d'être un diplomate, c'est-à-dire un représentant de la baronnie auprès des autres baronnies voire même auprès du roi.

Puis le baron s'adressa plus directement à moi à propos de cette fonction, m'indiquant à son sens, peu de gens m'appréciaient en Ayn'n au vu de mon « inflexibilité », même s'il estimait que j'étais une pièce maîtresse dans le jeu qui allait se dérouler. Il convint n'être pas lui-même un politicien, et avoir besoin du symbole de la Triade à Ayn'n ainsi que de la force dissuasive que pouvaient représenter les Faucons Pèlerins vis-à-vis de l'ennemi, déclaré ou non. A cet effet, il jugeait normal de me faire participer aux décisions de la baronnie, même si cela était synonyme de risque à ses yeux. Thola avait bien changé et il ne savait que trop que nous étions entourés d'ennemis. Il m'indiqua enfin que notre rôle consisterait à restituer aux îles du royaume une forme de justice et de civilisation ; pour ce faire, il pensait qu'un chemin trop droit nous conduirait malheureusement à une fin certaine, sans avoir pu atteindre nos objectifs. Accepter la charge de Main du baron impliquerait de plus, de travailler pour la protection des serfs et des vassaux d'Ayn'n, afin de prévenir les convoitises pesant sur la baronnie.

A certaines de mes questions, messire d'Estrée put m'éclairer sur le fonctionnement du parlement dont il projetait la mise en place. La majorité absolue était requise pour l'adoption d'un texte de lois, sachant que les votants seraient au nombre de cinq, le baron, le prévôt, l'argentier, la main et le bourgmestre – le baron disposerait aussi d'un droit de véto absolu ou de révision. Pour le baron d'Ayn'n, il était de plus important que les pouvoirs fussent distingués, prenant en considération le fait que l'humain était faillible, ce pourquoi il ne déterminerait pas les lois seul, et pourquoi il pensait plus avisé que je fusse la balance et messire de CastelHurleVent l'épée. A propos de l'emploi des Faucons Pèlerins évoqué, le baron me précisa qu'il attendait pour l'instant surtout l'appui des Ilmatéri à cause des maladies des réfugiés, mais je lui appris que tout paladin pouvait avoir la grâce de soigner ces maux aussi ; naturellement, l'aide des Faucons serait requise en cas d'attaque directe.

Ensuite, le baron d'Ayn'n émit le souhait que Rafael de Murdanes et moi fissions front commun, bien conscient qu'il était que les relations entre nous n'étaient pas les meilleures du monde, loin s'en fallait. Du fait du servage choisi par un grand nombre de réfugiés, il lui fallait pouvoir bénéficier des compétences des hommes libres qui la suivaient, pour développer Ayn'n par une activité commerciale stimulée. Messire d'Estrée était de plus d'avis que ses suivants la poussaient à refuser le poste de bourgmestre, qui devait lui paraître un poids. Naturellement, j'objectai qu'il m'était difficile de passer sur un outrage fait à Tyr dont on ne voulut pas s'excuser, mais qu'à la place on avait conçu l'idée de me tuer en duel pour l'avoir fait remarquer...

En définitive, je ne refusai pas cette charge car, ne serait-ce que de par la volonté de feu Walmund Ier, je m'étais déjà en quelque sorte engagé à faire de mon mieux pour la terre d'Ayn'n. Le baron d'Estrée me remit le sceau de la Main, une chevalière, et résuma en deux mots mon programme par la devise de sa famille : « courage et persévérance. »

Sous les auspices de Tyr,

Roland de Jasperal,
Paladin du Saint Jugement de Tyr,
Main du baron d'Ayn'n

[Animation par Illital]


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