[Le 21 mars 2012]
Tout commença alors
qu'un orage terrible, le pire qu'il m'avait été donné de voir
depuis mon arrivée en Luminis, avait éclaté depuis quelques
temps ; quelques personnes, comme Mlle Linael et moi-même,
s'étaient abritées sous le porche de la chapelle d'A'gloth,
d'autres s'attardaient un peu plus loin malgré le déchainement des
éléments. Ce fut alors qu'un groupe de halfelins bottés et
cagoulés passa devant l'édifice, fort pressés de rejoindre Vilbas
de toute évidence. Plusieurs personnes leur emboîtèrent le pas
aussitôt, tandis que je ne le fis que quelques minutes après.
A Vilbas, la situation se
présenta d'emblée comme très tendue ; devant une maison se
trouvaient un gnome entouré de plusieurs gardes semi-orcs, dont l'un
était armé d'un tromblon, alors qu'un peu plus loin plusieurs des
personnes qui s'étaient précipitées dans le quartier paraissaient
jauger une situation délicate, notamment les halfelins Rugrin et
Ania, messire Kraelgor et Andrew, et la corsaire Edaniel.
Visiblement, les gardes étaient sur la défensive, et même de plus
en plus agressifs ; l'un d'eux arracha même la porte de la
maison pour y entrer de force. M'approchant du groupe, messire
Kraelgor put simplement constater que les orcs attaquaient tout et
qu'on venait de tirer sur Ania, tandis que Rugrin m'apprit que le
gnome venait réclamer une dette et, s'il ne put me confirmer les
faits, il était horrifié par le déploiement de violence
injustifiée.
Quelques partisans
halfelins avaient surgi derrière nous entre-temps, se tenant sur
leurs gardes, tandis que Kraelgor commençait à exprimer son
mécontentement contre l'attitude des gnomes et de ceux qu'il
appelait leurs larbins. Toutefois, le gnome était armé d'un
pistolet et proclama fièrement qu'il agissait conformément à la
loi, et que c'était d'après celle-ci que l'halfelin de la maison
devait être expulsé, avec dignité et prestance selon ses termes.
Ces propos furent illustrés d'une drôle de façon, quand le
semi-orc qui s'était introduit dans la maison en ressortit avec son
habitant, qu'il soulevait par le col et qu'il finit par frapper
contre le fronton de la maison, l'assommant du même coup. Rugrin
tenta de s'expliquer quelque peu, rappelant même au souvenir du
gnome que les halfelins avaient œuvré pour éteindre l'incendie
d'une maison d'un des leurs il n'y avait pas longtemps, mais le gnome
ne voulait y voir aucun rapport, n'étant intéressé que par son
argent et cachant sa cruauté derrière ce qu'il appelait la loi de
la dette.
Il ne m'était plus
possible de rester sans rien dire, sans même parler encore d'agir,
car je ne pus que faire constater à tous combien les méthodes
employées par le gnome et ses sbires, ne comportaient aucune
prestance, et tout en soulignant que réclamer une dette n'autorisait
pas à faire preuve d'une telle violence gratuite. Le garde semi-orc
le plus agressif envoya un coup de pied à Rugrin, qui réclamait
simplement que l'halfelin pût libérer les lieux lui-même – car
la maison était vidée sans ménagement pendant ce temps, puis
m'intima de me taire. Je remis debout le halfelin qui avait atterri
dans mes jambes, puis tirai mon épée en demandant à cette brute de
cesser au nom de l'Oeil. Alors, le garde rangea son arme de tir, pour
décrocher une lourde et énorme masse qu'il avait rangé en
bandoulière dans son dos, et réclama un combat en duel contre moi ;
j'acceptai sans hésiter comme notre honneur nous l'enseigne, et pour
la gloire d'Oculus invictus. Le colosse semblait particulièrement
satisfait, me reconnaissant du courage, tandis que le gnome déplorait
ironiquement d'avoir à changer la tunique du garde, qu'il voyait
déjà tâchée par mon sang.
Je pris position avec
détermination malgré l'adversaire massif qui me faisait face, et
sous les encouragements de Kraelgor et de Rugrin, qui espérait que
ma victoire accordât un départ du halfelin dans la dignité.
Toutefois, mes coups ne semblèrent lui faire que peu d'effet, alors
que la grande masse, quand elle s'abattit sur moi, provoqua une
grande douleur tout d'abord, puis, la seconde fois, me projeta à
terre tout en défonçant de manière dangereuse mon armure à
plaques, qui n'avait offert que peu de résistance, et me mettant du
même coup hors de combat, tout sanguinolent.
J'avais sombré dans une
demie-inconscience alors, aussi ne puis-je que relater des éléments
qui me furent transmis ensuite. Il semble que la situation dégénéra
complètement quand à ma défaite, plusieurs dont Kraelgor et Rugrin
voulurent s'interposer, ce qui provoqua le déchainement de tous les
gardes semi-orcs. Par la conjonction des forces de tous les présents
précités dans ce rapport, tous ces colosses furent défaits, seul
le plus puissant présentant encore quelques signes de vie. Ce fut
alors que je distinguai à nouveau un peu plus nettement ce qui
s'était passé, séparant les grands coups de douleur intérieurs de
la confusion ambiante ; j'essayai d'arrêter le bain de sang qui
restait de coûter si cher aux halfelins, mais je pouvais à peine
parler, et la corsaire trancha la tête du dernier des gardes.
Une fois la situation un
peu apaisée, je fus traîné à l'écart, où le fidèle de Vanaël
Andrew me dispensa quelques soins d'urgence, avant que Kraelgor ne me
prit sur son dos pour me transporter le plus rapidement possible à
l'hospice. Là, la sœur Mazarine Voss ainsi que la panseuse
Gabrielle m'examinèrent en urgence, alors que Kraelgor les aida à
me défaire de mon armure en bien piteux état. La sœur craignait
fortement pour mes os, diagnostiquant plusieurs côtes abîmées
ensuite, tandis qu'il lui sembla nécessaire de m'opérer du foie du
fait du coup de masse formidable au ventre que l'armure avait été
bien en peine d'amortir vraiment. C'est ce qui fut fait, messire
Harald me faisant boire quelque alcool alors qu'il fut décidé de me
lier les mains. Je n'eus pas trop à souffrir du fait que par quelque
procédé, la panseuse Gabrielle réussit à m'endormir de manière
subite.
La convalescence fut
longue, mais enfin, grâce à la technique parfaite de la sœur
Mazarine et aux soins constants de la panseuse Gabrielle, de même
que par le réconfort de visites amicales, la santé et les forces me
furent rendues sous l'Oeil bienveillant d'A'gloth.
Vigilant Clovis Valoris
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