[Le 20 décembre 2012.]
Je venais de sortir d'une
longue prière en notre sainte chapelle d'A'gloth, quand je remarquai
de l'agitation sur la place du marché, et pas des moindres : le
semi-orc colossal Agrippa était en train de courir après la
corsaire elfe Edaniel, ou bien c'était l'inverse, je n'avais pas vu
le début. Plusieurs personnes étaient en train de regarder cela
d'un air inquiet, dont quelques miliciens attentistes et deux
personnes du Klan, Haïssa et un homme en noir au chapeau dont
j'ignore le nom. Ces deux dernières étaient tendues et hésitaient
à tirer, d'autant que le géant poussait sans ménagements tout ceux
qui se trouvaient sur son passage. Hélas, la situation empirait et
Agrippa finit par se saisir d'un nain qu'il projeta comme une
vulgaire balle, à la vitesse d'un boulet de canon ; il fallait
intervenir et que cela cessât. Agrippa finissait par me reconnaître
d'ordinaire, et j'étais toujours parvenu à le calmer ou à
détourner son attention d'une façon ou d'une autre. Jusqu'alors. Il
était cette fois complètement enlevé à lui-même et lancé sur sa
furie, car si je m'avançai vers lui l'épée au fourreau, je n'eus
pas le temps d'ouvrir la bouche qu'il se jeta sur moi. Par la grâce
d'A'gloth, je me défendis vaille que vaille et encaissai les coups
qu'il me porta rudement, pendant que la corsaire en profitait pour le
rouer de ces coups de poing dont elle a le secret, et que le Klan le
criblait de balles : un coup de poing de l'elfe fit ensuite
craquer le crane du géant, et des balles bien ajustées d'Haïssa
achevèrent le tout, s'il en était encore besoin.
J'étais pour le moins
agacé à cause du rôle qu'on m'avait forcé à jouer dans tout
cela ; j'avais bien conscience du danger que représentait
Agrippa, mais il n'était jamais qu'un simplet dans un corps
disproportionné qui ne pouvait être vu de la même manière qu'un
criminel ayant le mal chevillé au corps. Ma consternation ne retomba
pas quand je compris qu'Edaniel avait dû provoquer Agrippa parce
qu'Haïssa lui avait laissé entendre qu'elle ne ferait pas le poids
contre lui : tout cela pour une histoire d'orgueil et de pugilat
encore une fois, qui aurait pu coûter la vie à bien plus
d'innocents. Ce qui était certain, c'est que ni la justice ni la
morale n'en ressortaient grandies, même si Haïssa me rappela
l'épisode où elle était restée deux semaines à l'hospice après
que le géant eut arraché son bras à un ordonnateur. Edaniel et
elle me rendirent même presque responsable des suites parce que
j'aurais « attaqué » le géant : je me remis les
choses à leur place, je m'étais avancé désarmé d'abord, et cela
n'avait mal tourné que parce qu'on s'était chargé d'exciter le
colosse comme un taureau d'arène bien avant mon arrivée sur les
lieux. Il fut question d'Edaniel qui n'aurait pas voulu lui donner
ses cheveux également, mais lassé comme je l'étais, je préférai
quitter les lieux, en ayant assez de leurs enfantillages comme je le
laissai clairement entendre. Une discussion avec Haïssa du Klan me
revenait alors, sur la façon dont elle traquait le mutant sans
hésiter, quoi qu'elle en pensât ; une façon de faire qui
semblait s'appliquer à bien d'autres choses.
Tout ceci n'est peut-être
pas le plus grave : en effet, une fois le géant tombé, la
milice survint pour contrôler les lieux, et l'ordre de l'Anamorphose
s'empara du corps d'Agrippa pour l'emmener du côté du quartier
industriel, dûment protégé par la milice qui se débarrassa aussi
de la corsaire Edaniel, qui aurait tenté de s'opposer à la saisie
d'après sœur Mazarine Voss qui s'occupait d'elle à l'hospice. J'ai
consenti à ce qu'un vigilant garde l'hospice une demie-journée, le
temps que l'elfe soit rapatriée dans son quartier ; un
assassinat était bien suffisant pour ce jour.
Au nom d'Oculus maximus,
Vigilant Protecteur
Clovis Valoris
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