[Le 18 décembre 2012.]
Plusieurs personnes, dont
le prêtre de Néraï Tibérias et le maître d'armes Harald
Thorvaldson, étaient en train de discuter des nouvelles propagées
fraîchement par le Jongleur de Luminis à propos de la Louve et de
Don Gormi, le premier me demandant notamment si l'Oeil avait prévu
la nature de la revendication du crime, quand un déploiement
inhabituel de la milice fut remarqué sur la place de la chapelle et
du portail. On comptait des armes blanches autant que des armes à
feu de techno-artificiers, mais c'était surtout la nervosité des
miliciens qui était perceptible : quelque chose allait se
passer.
Une foule de mécontents
émergea soudain d'un des axes principaux du quartier, venant se
fixer devant le portail ; leurs revendications furent on ne peut
plus claires : ces gens voulaient gagner la Cité, car ils
prétendaient qu'il n'y avait plus rien à faire dans la partie basse
de la ville. Le sergent qui se tenait devant le portail avec ses
hommes se montra d'abord plus raisonnable que nous, les spectateurs
de la scène, ne nous y attendions ; il rappela simplement que
l'accès qui était demandé était interdit par la loi. Toutefois,
les choses s'envenimèrent rapidement, quand un des humains de la
foule bariolée – on y comptait plusieurs races, et j'aurais été
bien en peine d'y reconnaître ou non de nos fidèles – poussa un
des miliciens. Quand il lui fut demandé de se calmer, un semi-orc
vint en renfort pour cracher en plein visage du sergent. La réaction
ne se fit pas attendre : ledit sergent tira au pistolet
au-dessus de la tête du semi-orc, puis demanda à un de ses hommes
d'aller chercher du renfort. M. Roland allait se porter au-devant de
la foule, mais, et ce fut sans doute heureux pour lui, un ouvrier
nain de Lokdanor entra en furie, insulta la milice, ce qui déclencha
un mouvement de foule qui conduisit à un pugilat intense. Le sang
coulait à flot sur le pavé de Luminis.
Je savais bien ce qui
allait se passer ensuite dès lors que la sécurité de la Cité
haute était en jeu : le Ka allait intervenir, et je n'avais pas
oublié mes consignes, à savoir ne rien tenter de stupide en sa
présence. Quand les exécuteurs du Ka et leur meneur, ainsi que des
artificiers techno-magiques survinrent, la foule en partie décimée,
qui avait fait aussi un bon nombre de victimes parmi les miliciens
submergés, se dispersa sans demander son reste. La première
réaction du Ka consista à envoyer chercher les sœurs de l'Hospice,
qui arrivèrent prestement avec leur dirigeante, sœur Mazarine Voss.
Ensuite, plusieurs exécutants vinrent interroger les témoins de la
scène, l'un d'eux s'occupant de M. Thorvaldson, une elfe masquée
dont j'ignorais le nom, ainsi que de moi. Je témoignai des
motivations de la foule, à savoir du désespoir de n'avoir plus que
la misère en bas. L'homme s'enquit ensuite de la raison pour
laquelle nous ne nous étions pas portés au secours de la milice
qu'il qualifiait de noble ; M. Thorvaldson rusa en affirmant
qu'il craignait que les renforts convoqués ne le prissent pour un
des attaquants de la milice, mais je dis de mon côté la vérité, à
savoir que je m'étais abstenu du fait que lors de l'émeute
précédente devant la caserne, la milice m'avait tiré dessus
lorsque j'avais tenté d'apaiser les choses entre elle et la foule en
colère. L'exécuteur nota consciencieusement ce que nous lui
disions, puis il nous ordonna de nous identifier et de lui montrer
nos papiers. Une fois cela fait, il nous fut signifié que nous
pourrions être convoqués au quartier général du Ka pour une
« entrevue. » A la manière dont le regard de l'exécuteur
s'attarda sur moi après ces paroles, je crus comprendre que les
probabilités étaient relativement dans mon cas. Aussi, si la
hiérarchie lit ce rapport à temps, je la prie, si elle désire me
donner des consignes à ce sujet, de faire vite du fait que cette
convocation peut survenir à tout moment.
On nous demanda de nous
disperser, et je regagnai mon poste de garde de la sainte chapelle,
en profitant pour surveiller comment sœur Mazarine Voss et ses
suppléantes s'en sortaient. Elles furent apparemment bien traitées,
et je les vis emmener plusieurs blessés vers l'hospice ; il est
à noter également qu'un prophète du Ver était présent aussi, et
que plusieurs blessés furent également pris en charge par des
suivants de ce culte.
Puisse l'Oeil préserver
les déshérités de Luminis,
Vigilant Clovis Valoris
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