[Le 15 mai 2012.]
Le tournoi qui allait
avoir lieu prochainement à Sarmath donnait lieu à quelque
discussion aux portes de notre sainte chapelle, en compagnie de sœur
Mazarine et de la corsaire Edaniel, quand cette dernière
s'interrompit soudain pour nous rapporter qu'elle avait entendu des
cris en provenance de derrière l'édifice. Nous ne perdîmes pas de
temps pour aller voir ce qui était en train de se passer :
personne n'était sur les lieux, mais il y avait du sang aisément
visible. De plus, nous n'eûmes pas de mal à repérer un couple
suspect qui s'éloignait, constitué par un homme qui en portait un
autre. Quelques pas et je pus les reconnaître aisément : le
porteur, était un homme chauve au teint hâlé et la barbe noire,
qui m'avait déjà parlé une fois pour me demander si être vigilant
payait bien, occasionnait des duels, et ce qu'il fallait pour le
devenir – à mes réponses sur notre sens du devoir et le peu
d'importance de l'argent, comme le dévouement à A'gloth, il avait
vite compris que ce n'était pas pour lui, ce qui transparaîtra
encore plus dans ce récit. Le pauvre homme qu'il était sur l'épaule
du premier n'était autre que le prêtre de Néraï du nom de
Tibérias, celui qui s'inquiétait tant des menées du clergé du
Ver.
Sœur Mazarine, Edaniel
et moi-même suivîmes l'homme jusqu'aux portes de Bordnagar, car il
avait un peu d'avance ; là, la corsaire lui demanda de
s'arrêter, et je lui demandai de nous livrer le prêtre pour que
nous le portions à l'hospice afin qu'on lui donnât les soins
nécessaires. Mais l'homme, que j'appellerai « mercenaire »
par commodité, nous demanda de laisser le prêtre tranquille,
prétendant qu'on lui avait dit où il devait l'amener – tout cela
d'un ton fort naturel qui ne trahissait aucun sentiment de
culpabilité ni de gêne. Je rétorquai que j'avais vu du sang
derrière la chapelle, et que je me doutais bien d'où on comptait
l'emmener et à qui ; l'autre continuait à demander qu'on lui
laissât faire son « travail », et qu'il me rendrait le
prêtre juste ensuite. Il n'était pas question pour moi de prendre
le moindre risque après l'agression du prêtre devant le temple du
Corps divin ; l'homme refusant de coopérer, et s'avérant peu
sensible au fait de devoir régler cela par les armes, je dus
appliquer la pointe de mon épée derrière sa tête, pour qu'il
commençât à déposer le corps toujours inerte. Ce fut à ce moment
que la sœur Mazarine, qui s'en était allée, revint sur les lieux
fort à propos en compagnie de deux ordonnateurs, qui eurent assez
d'autorité pour faire déposer complètement le prêtre par le
mercenaire : ils l'emmenèrent sans demander aucun compte à
celui qui avait tenté de l'enlever.
Ce n'était pas une façon
de voir que je partageais. La corsaire se demandait si nous ne nous
battions plus, le mercenaire continuant à afficher un flegme
sarcastique, prétendant que si nous voulions du sang, nous n'avions
qu'à nous approcher un peu ; je précisai que sans que ce fût
ma priorité, il ne me semblait pas inapproprié d'infliger une
correction à quelqu'un s'amusant d'avoir tenté d'enlever un prélat,
mais que du reste je comptais simplement en savoir plus, sur
l'endroit où on voulait l'emmener. L'homme paraissait prêt au
combat, et je lui demandai si cela délierait un peu sa langue
ensuite ; il parut vexé que j'eusse pu envisager qu'il était
contrait par quoi que ce fût. Il continuait à affirmer qu'il
n'avait rien de plus à dire, mais avoua tout de même que c'était
bien lui qui avait assommé le prêtre parce qu'il n'avait pas
souhaité venir de lui-même, et qu'il avait reçu des instructions
claires.
A ce moment, alors que
mon épée était toujours tirée et que le mercenaire avait adoptée
une position défensive, sur ses gardes, le serviteur Thratos,
soupçonné d'être un acolyte voire un aspirant ordonnateur par
certains, et étant un serviteur du Ver proche de l'aspirante
prophétesse Val en tous les cas, arriva et parut s'étonner de nous
trouver ainsi. Je le renseignait de manière concise sur l'enlèvement
avorté de ce même prêtre qu'il avait agressé devant le temple du
Corps divin il n'y avait pas bien longtemps, sans manque de laisser
paraître comme je trouvais plaisante la coïncidence de son arrivée
juste à ce moment, comme si le livreur avait eu quelque retard.
Thratos faisait mine de ne pas trop comprendre, pas plus quand je fis
semblant de me demander quelles bâtisses comportaient Bordnagar ;
un quartier nain certes, mais recelant surtout un temple du Ver. Je
conclus en annonçant que j'étais donc en train d'interroger le
mercenaire sur les commanditaires de ce méfait, et qu'il lui
faudrait choisir s'il était partie prenante ou s'il me laissait
terminer. Thratos le prit alors mal, déclarant que je n'avais pas
d'ordres à lui donner, moi rétorquant que je lui présentais la
seule alternative possible, sans qu'une correction ne me causât de
déplaisir non plus. Il crut à une menace, quand je précisai que je
n'allais pas attendre là une heure et qu'il me fallait avancer mes
affaires ; il sortit son bouclier, disant encore qu'il comptait
s'interposer si je lui parlais sur ce ton. En somme, son comportement
valait presque un aveu ; il prenait prétexte d'un ton
prétendument inapproprié pour trouver excuse à la protection du
mercenaire. La corsaire Edaniel choisit précisément ce moment pour
s'en aller, parlant de son tournoi qui allait commencer, la sœur
Mazarine étant restée un peu en arrière.
La situation dégénéra
rapidement ; j'en appelai à la grâce de l'Oeil pour affûter
ma lame, ce qu'on prit en face pour le début des hostilités. En
lâches qu'ils étaient, ils n'hésitèrent pas à m'attaquer à
deux : le mercenaire me plaqua au sol par le bénéfice de la
surprise, pendant que, me relevant difficilement du fait de mon
armure et esquivant les coups tant bien que mal, Thratos incanta
pour m'asséner des sortilèges qui me foudroyèrent pour me causer
des blessures sévères. Je me relevai malgré tout pour lutter du
mieux de mes forces et surtout de ma volonté, concentrant mes forces
sur le séide du Ver en qui je ressentis le même mal qu'en Lenila.
J'étais toujours debout malgré une situation de plus en plus
difficile, quand les portes du quartier de Bordnagar s'ouvrirent,
deux veilleurs nains s'en extrayant pour nous crier de faire halte.
Ce fut ce que nous fîmes, moi parant les derniers coups et en
donnant un dernier à Thratos, encore sur ma lancée pour sauver ma
vie. Le mercenaire s'évertuait à expliquer qu'il s'agissait de
régler un compte, Thratos prétendant qu'il s'était simplement
défendu parce que je l'avais attaqué – dans les faits, c'étaient
pourtant bien eux qui avaient porté les premiers coups avec avantage
numérique et usage d'une magie puissante. Amoché comme j'étais, je
déclarai tout de même fièrement que les vigilants entendaient bien
empêcher les suivants du Ver de nuire au clergé de Néraï en toute
impunité. Les nains n'en avaient que faire, ne voulant pas de sang
humain devant leurs portes, mais je ne manquai pas de préciser que
Thratos n'avait pas à intervenir dans nos affaires, et que le
mercenaire ne s'était pas gêné pour répandre du sang derrière la
chapelle. Thratos persistait à dire que je les avais attaqué sans
raison, que les vigilants n'avaient pas à faire la loi, mais j'étais
trop certain que le mercenaire avait été engagé par eux pour
livrer le prêtre au temple du Ver, suite logique de l'agression
devant le temple du Corps divin.
Là encore, la sœur
Mazarine, qui avait essuyé un mauvais coup pendant le combat en
ayant tenté de s'approcher de moi pour me dispenser quelque aide,
survint accompagner de quelques ordonnateurs et du vigilant Dieter.
La sœur affirma que le mercenaire avait donc tenté de la tuer, mais
il la moqua en lui disant qu'elle n'avait pas à pleurer après
s'être engagée dans un combat volontairement, et de rester à sa
place de femme – le sbire du gnome était mort pour moi que cela.
Un ordonnateur demanda à Thratos de penser au culte et de ranger son
arme, lui s'exécutant en prétendant encore qu'il n'avait fait que
se défendre ; le frère Dieter me dit simplement que cela
irait, et que nous allions rentrer au temple – autre coïncidence,
je remarquai la dénommée Lenila non loin. L'ordonnateur dit encore
à Thratos d'aller parler à quelqu'un, sans le nommer explicitement.
Dieter me raccompagna doucement, eut égard aux lourdes blessures
essuyées, témoignant de la gratitude à la sœur Mazarine eu égard
à son action salvatrice. Le vigilant prit l'initiative de monter la
garde du temple, où il avait demandé que je fusse soigné par la
sœur, pour plus de sécurité. L'aide de sœur Francesca et de
nombreux onguents ne furent pas de trop pour apaiser les brûlures
occasionnées par la foudre, qui était responsable du gros des
dommages. Le prêtre Tibérias, après quelques temps, vint nous
visiter pour nous remercier d'avoir empêché le crime d'aller plus
loin – il était désormais accompagné de manière permanente par
un ordonnateur. Beaucoup de choses restaient en suspens après ce qui
venait d'avoir lieu, et pour sa part il devait en discuter avec le
frère Lamento.
Que l'Oeil tout-puissant
nous préserve des menées souterraines,
Vigilant Clovis Valoris
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